Nota


NOTA (Σημεῖον, στίγμα). — Le sens naturel, analogue à macula, est celui de tache, de marque sur la peau. On désigne ainsi les parties de pigment coloré qu’on remarque chez les animaux, par exemple sur le dos des serpents. Chez beaucoup de peuples primitifs, la religion de la zoolatrie dut amener l’idée de tacheter la peau humaine d’une façon artificielle : ce ne fut pas seulement une parure, mais un fétiche, et sans doute une façon de se rapprocher du dieu animal, de se déclarer son serviteur en portant sa marque. Le tatouage naquit et fut considéré comme une marque de dignité et de beauté. On le trouve aux origines de l’histoire, en Égypte, dans les îles et dans la Grèce préhellénique; il existe encore chez une foule de peuplades sauvages et il subsiste même dans notre civilisation, avec son sens obscur de parure qui est en même temps un fétiche.

De très anciennes figurines de terre cuite, qui peuvent appartenir à la période hellénique, présentent des dessins en pointillé sur la chair nue où l’on croit reconnaître des tatouages. A l’époque classique, les Grecs connaissent encore cette pratique, mais ils la considèrent comme barbare et usitée surtout en Thrace. Certaines peintures de vases montrent des figures d’animaux tatouées sur les bras et les jambes des Ménades thraces qui déchirent Orphée. C'est ce que Cicéron appelle encore les notæ threiciæ et Plutarque croyait que si, de son temps, les Thraces tatouaient leurs femmes, c'était par tradition, pour les punir du meurtre d'Orphée. Chez les Bretons, les tatouages formaient des dessins compliqués, avec des figures d'animaux de tout genre. On signale aussi cette coutume chez les Sarmates, les Daces, les Syriens, etc.

Dans le monde grec et romain, ce qui contribua vite à donner à la nota un sens de flétrissure. c'est qu'on marquait ainsi le bétail  et les chevaux. De là l’usage de marquer au fer chaud les esclaves ou les prisonniers de guerre. C'était aussi un usage oriental : les Thébains qui passèrent dans l'armée de Xerxès, pendant la seconde guerre médique, subirent cette opération ignominieuse. C’est ainsi qu'il faut comprendre également la flétrissure imposée par le roi de Perse à l’Hellespont. A Rome, la nota prit un caractère plus abstrait de condamnation civique, par exemple dans la notatio censoria. Les Latins ont emprunté aux Grecs le mot stigma pour exprimer la flétrissure matérielle.

Par une dérivation logique, le mot nota désigne encore toute espèce de tache, comme celle que l'encre fait aux doigts et toutes sortes de signes et de marques, tels que les ornements distinctifs et les lettres dont on ornait les boucliers, les indications qu' on plaçait sur les amphores pour désigner la provenance ou la qualité, la frappe des monnaies [moneta], les signes de musique (d'où le mot français note), les lettres mêmes dont on forme les mots. etc. Par application de ce dernier sens, les Romains appelaient surtout notæ des combinaisons graphiques destinées à former des écritures secrètes, et, comme nous disons, chiffrées [scriptura] ou des abréviations dont on convenait entre correspondants. Pour la rédaction des actes publics ou privés, ils composèrent tout un système d'initiales, de lettres liées, de sigles que les scribes devaient connaître à fond, sous peine de commettre de grosses erreurs. Dans l'exécution des manuscrits les copistes arrivèrent à une telle condensation des signes abrégés et convenus qu'ils créèrent une véritable sténographie (ταχυγραφεῖν), souvent difficile à comprendre : les notæ tironianæ en sont un exemple. Sous l'Empire, l'usage de la tachygraphie par notæ était devenu courant [notarius].

Une autre catégorie de notæ est celle qu'avaient créée les grammairiens d'Alexandrie, pour mettre en marge des manuscrits leurs observations. Obèles, astérisques, traits et points indiquaient les passages à approuver ou blâmer, les interpolations, les commentaires, les corrections à faire, etc.

E. Pottier.


Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines