dediticii

Le nom de dediticii s'appliquait, chez les Romains, à deux classes de personnes.

1- A certains peregrini formant une catégorie spéciale, la dernière de toutes, et soumis aux plus dures conditions parce qu'ils avaient été vaincus en résistant les armes à la main. Comme clause principale du traité d'annexion à la puissance romaine, ils devaient se livrer à leurs vainqueurs, eux, leurs armes, leurs cités, leur territoire, leurs temples et leurs biens (urbem, agros, aquam, terminos, delubra, ustensilia, divina humanaque omnia) On peut remarquer toutefois que le sort de tous les pérégrins déditices n'était pas exactement le même ; c'est ainsi qu'on traitait ceux qui résistaient jusqu'à la dernière extrémité beaucoup plus durement que ceux qui se rendaient aussitôt après l'occupation de leur territoire Ordinairement une garnison romaine était envoyée dans les villes conquises. On trouve dans l'histoire l'exemple de quelques peuples qui, sans avoir été vaincus, mais uniquement pour obtenir la protection de Rome contre leurs ennemis, consentirent à descendre au rang des déditices, ainsi les peuples de la Campanie et de la Lucanie. Le secours que concédait le sénat n'était en effet que le prélude d'une sommation de se soumettre et, selon l'expression consacrée, le peuple ainsi requis se résignait à se confier à la foi romaine, se fidei populi romani permittere, se in fidem et deditionem tradere, per deditionem in fidem venire

Aussitôt après la soumission, Rome déterminait la condition du pays conquis et des habitants vaincus. Le plus souvent ceux-ci perdaient leur liberté (parfois cependant ils étaient traités avec moins de rigueur) et on leur imposait un certain nombre de charges telles que des tributs, un service militaire et autres semblables conformément à une loi d'annexion (lex deditionis) appelée improprement dans quelques passages foedus). Cette lex deditionis était un caractère qui distinguait les déditices des autres peuples alliés avec lesquels le sénat concluait un traité (foedus et non pas lex) 6. La classe des pérégrins déditices disparut peu à peu et Justinien en abolit les derniers vestiges. Mais il importe de présenter ici un aperçu historique sur la condition des peuples barbares [BARBARI] admis comme déditices sous l'empire, à l'intérieur des frontières romaines. Le type primitif de leur condition se trouve dans la colonie de Carteia, formée sous la République, en 584 de Rome ou 170 av. J.-C., au moyen des enfants nés d'unions de soldats romains avec des femmes espagnoles déditices. Ce fut une colonie d'affranchis de dedititii, sans connubium avec les Romains [jus latii, latinitas]. Lorsque des barbares vaincus se rendaient à discrétion, ils étaient admis en province en masse avec leurs familles, ou individuellement. Dans le premier cas, le traité de soumission réglait leur séjour et leur condition [lex deditionis FOEDUS] ; dans le second cas, l'ordre de l'empereur ou de son délégué fixait seul la position des déditices, qui, d'ordinaire, étaient vendus ou attribués à des cités, à des individus ou répartis comme recrues, tirones, dans les légions par petits groupes, comme le fit Probus, par une innovation dangereuse, trop développée ensuite. La première hypothèse était plus fréquente et se réalisa notamment à l'égard d'une partie des Suèves transportés en Gaule et auxquels l'empereur Auguste concéda des terres vacantes du domaine, à titre de PRECARIUM et moyennant charge de tribut et de service militaire, juxta ripam Rheni sedibus assignatis, et Suétone les qualifie de dedititii. Marc-Aurèle cantonna des Daces, des Marcomans, des Suèves, etc., non seulement le long du Danube, mais même en Italie, près de Ravenne. Il est certain que ces colons ne purent être mieux traités que les simples sujets provinciaux non citoyens ou peregrini; ils n'eurent donc ni le jus commercii ni le jus connubii, mais seulement les droits privés résultant du droit des gens. On ne peut admettre davantage qu'ils aient été plus favorisés que les affranchis dedititii et qu'ils aient pu, en règle générale, arriver à la cité romaine ou résider dans le rayon de 100 milles de Rome, ou même sortir du territoire à eux assigné, sans une permission impériale. Il est très probable, par la même raison, que l'édit d'Antonin Caracalla qui éleva, vers 211, au rang de citoyens romains tous les ingénus sujets de l'empire ne dut pas s'appliquer aux barbares déditices; à plus forte raison en fut-il ainsi pour les cent mille Bastarnes transportés dans la Thrace par Probus, les Carpes transplantés en Pannonie par Dioclétien, les Chamaves et Frisons, colonisés sur les territoires d'Amiens, Beauvais, Troyes et Langres par le César Constance. 

Constantin colonisa des Sarmates, en Thrace, suivant saint Jérôme. L'empereur Constance admit les Sarmates, Semigantes, comme sujets de l'empire, à charge de tribut annuel et de recrutement militaire. De là le nom de tributarii souvent employé à leur égard. Une troupe de Francs-Saliens se livra à Julien, au même titre. Ausone appelle coloni les Sarmates tansportés sur les bords de la Moselle. Théodose plaça aussi des Alemanni comme tributaires, sur les rives du Pô. En général, les tribus recevaient leurs assignations sur les terres patrimoniales du prince ou du fisc (agri ou fundi fiscales ou rei privatae, praedia tamiaca), qui s'augmentaient considérablement soit par confiscation, soit par déshérence ou vacance (praedia vacantia, deserta). Alors ces barbares durent être naturellement assimilés aux anciens colons attachés à ces domaines [COLONATUS], sous le titre de coloni rei privatae, coloni tamiaci, dominici, patrimoniales. Cependant la ruine de l'agriculture libre et le manque de bras dans les campagnes forcèrent les empereurs au IVe siècle à concéder plus fréquemment sur leur requête [LIBELLUS] des barbares déditices à des particuliers pour les installer sur leurs fonds 30. C'est ainsi que Théodose II, en 409, distribua des barbares Scyres aux propriétaires des provinces d'Asie, colonatus jure; on fit de semblables concessions aux communes rurales (vici) pour leurs biens communaux, adscripti vicis. Dans ce cas, en les assimilant aux colons anciens, on dut leur accorder aussi le jus connubii. C'est même à ces assignations de captifs faites à l'État, puis aux particuliers, que des historiens éminents ont attribué l'origine première de l'institution du colonat, au bas empire [COLONATUS]. 11 ne faut pas confondre les déditices avec les volontaires germains, bataves ou francs, admis à posséder certains cantons de la Gaule à charge de service militaire et qu'on voit paraître sous le nom de LAETI, depuis le IIIè siècle. La condition de ceux-ci était supérieure à celle des déditices; les premiers étaient de véritables soldats, milites, ou colons militaires. D'un autre côté, les faederati étaient traités comme des peuples alliés établis en province et mieux encore que les laeti, à plus forte raison que les déditices [FOEDUS]. Enfin les dedititii ne paraissent pas non plus devoir être confondus davantage avec les barbares de race scythique appelés GENTILES, espèces de soldats de frontière. 

2° On désignait encore sous le nom de dedititii une certaine classe d'affranchis qui avait été instituée par la loi Aelia Sentia (an 757 de Rome, 4 ap. J.-C.). Leur condition était si misérable qu'ils ne se distinguaient presque pas des esclaves; ils différaient des pérégrins ordinaires, en ce qu'ils n'appartenaient à aucune cité particulière dont ils pussent invoquer les lois. Leur nom vient évidemment d'une assimilation aux pérégrins déditices. 

Ils ne pouvaient, en aucune façon, arriver à la cité romaine ou au droit de latinité; on leur interdisait le séjour de Rome sous peine de retomber en esclavage; ils étaient incapables de donner et de recevoir par testament, ils n'avaient ni connubium, ni commercium, etc.; en un mot, ils ne jouissaient pas des droits civils romains, mais ils devaient pouvoir profiter des droits privés résultant du JUS GENTIUM. En effet, Gaius indique comment étaient réglées leurs successions; ce qui suppose qu'ils pouvaient acquérir par les modes de droit des gens. Lorsque la situation du déditice était telle que, sans sa note antérieure, il eût été affranchi citoyen, ses biens venaient au patron comme s'il s'agissait de la succession d'un citoyen; dans le cas contraire, on suit les mêmes règles que pour le patron d'un Latin Junien [LIBERTI]. Quant à la classe où ils se recrutaient, c'était simplement celle des esclaves qui avaient encouru une peine infamante, qui avaient été jetés dans les fers, marqués d'un fer chaud, mis à la question pour un crime dont ils étaient restés convaincus ou encore livrés pour les combats du cirque. Nous devons ajouter que les enfants des affranchis déditices ne conservaient pas la condition de leurs pères; ils choisissaient à leur gré telle ou telle résidence et, étant assimilés à des pérégrins ordinaires, ils pouvaient arriver au droit de cité par tous les modes que les lois avaient établis en faveur de ces derniers.
                                                                                                                                                         G. Gayet   G. Humbert

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