Les tribuns de la plèbe


        A l'origine, il n'y eut que deux tribuns, tribuni plebis; dans la suite, leur nombre s'accrut jusqu'à 10. Les tribuns ne sont pas considérés comme des magistrats proprement dits; ils sont privés d'insignes; ils n'ont pour sièges que de simples bancs, subsellia.
Longtemps leurs fonctions, toutes négatives, avaient seulement pour but la défense de la plèbe contre les magistrats patriciens, auxilii latio; à cet effet, ils avaient le jus auxilii, intercessionis; ils étaient inviolables, sacrosancti, et irresponsables. En vertu de la lex sacrata de 494, votée lors de la première retraite de la plèbe sur le mont Sacré, quiconque portait la main sur un tribun était voué aux dieux infernaux et ses biens étaient confisqués, consecratio capitis et bonorum. Par des usurpations successives, les attributions des tribuns se sont beaucoup accrues et leur pouvoir a fini par s'étendre au peuple romain tout entier.
Les tribuns ont d'abord le droit de convoquer la plèbe, jus cum plebe agendi, qui n'appartient à aucun magistrat patricien; ils ont tous les pouvoirs impliqués dans la potestas ordinaire et en plus, depuis 216, le jus cum patribus agendi; enfin, ils ont certains droits spéciaux, tels que le jus intercessionis, en faveur de tous les citoyens sans distinction, contre les décisions des comices, du sénat et de tous les magistrats, à l'exception du dictateur et des censeurs; la porte de la maison du tribun doit toujours rester ouverte, pour que chacun puisse avoir recours à sa protection, et aucun tribun n'a le droit de rester absent de Rome plus d'un jour; par délégation des consuls, ils peuvent parfois intenter des accusations capitales.
Les tribuns sont devenus, avec le temps, les magistrats les plus puissants et les plus redoutés de Rome; ils étaient toujours prêts à se servir de leur omnipotence, moins pour favoriser la plèbe, que pour accroître leur propre prestige; inspirer la terreur au gouvernement, et bouleverser. l'Etat, et ainsi ils ont contribué pour une large part à discréditer et à ruiner le régime républicain.
L'opposition systématique; des tribuns était contrebalancée de plusieurs manières : leur action cessait hors de Rome, à une distance de mille pas du pomoerium; pour que l'intercession d'un tribun fût valable, il fallait l'accord de tous les membres du collège; - l'intercession tribunicienne peut être supprimée par une décision des comices, pour certains actes déterminés.
Afin d'annihiler complètement le tribunat, Sylla décida que tout ex-tribun serait inéligible aux magistratures curules; mais la lex Aurelia (75) et la lex Pompeia (70) rendirent aux tribuns leur condition antérieure.